Passiflora serratodigitata L., une "fleur de la Passion"

Eau-forte aquarellée, <em>Description des plantes de l’Amérique avec leurs figures par le R. P. Charles Plumier</em>, Paris, Imprimerie royale, 1693, fig. LXXIX

Passiflora serratodigitata L., une "fleur de la Passion"

charles-plumier

Une passiflore dessinée et gravée par Charles Plumier.

Eau-forte aquarellée, Description des plantes de l’Amérique avec leurs figures par le R. P. Charles Plumier, Paris, Imprimerie royale, 1693, fig. LXXIX

© Bibliothèque nationale de France.

Description botanique

Passiflora serratodigitata L. est une liane légèrement ligneuse* grimpant à l’aide de vrilles, de la famille des Passifloracées. Sa tige porte des feuilles alternes dont les lobes rappellent les doigts d’une main.
Les fleurs, solitaires, ont une allure remarquable et portent, de l’extérieur vers l’intérieur, cinq sépales* jaune verdâtre, cinq pétales blancs rosé, puis une couronne de deux rangées de filaments violets entourant les étamines* et le pistil*. Le fruit est une baie jaune à maturité abritant de nombreuses graines.
Passiflora serratodigitata apprécie les milieux semi-ouverts près des lisières forestières. On la rencontre au Brésil, en Bolivie, au Pérou, et plus au Nord, jusqu’au Panama et aux Caraïbes.
Plus généralement, Passiflora est le nom latin d’un genre de plus de 500 plantes grimpantes de régions de climat doux, presque toutes endémiques des régions tempérées, chaudes et tropicales du continent américain et de ses îles. Elles sont cultivées pour leurs fleurs et la saveur de leurs fruits dont la pulpe est juteuse ou gélatineuse et renferme de nombreuses petites graines comestibles. Ce genre héberge en particulier une espèce, la grenadille (Passiflora edulis) dont le fruit comestible, appelé fruit de la passion ou maracuja, entre dans la composition de sorbets, de jus ou de coulis, ainsi que de nombreuses espèces cultivées pour leurs qualités ornementales, comme la passiflore bleue (Passiflora caerulea).

Passiflora serratodigitata L. sur le site de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN)

*mot défini dans le lexique

De mystérieuses annotations

Sur cette gravure, Charles Plumier fournit une description latine, Clematitis indica poliphylla maior, flore clavato, fructu colocinthidis qu’il traduit lui-même dans le texte de son ouvrage par : « Grande fleur de la passion à feuilles refendues et à fruit de coloquinthe » (p. 62). Fr. Carolus Plumier Minimus Botanicus Regius Delineavit indique que le dessin d’origine est l’œuvre du « frère Charles Plumier, minime, botaniste du roi ».

Les Européens et les passiflores : toute une histoire

La passiflore est originaire d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale où elle est découverte par les Européens au XVIe siècle. Les Aztèques la cultivent alors déjà pour ses vertus médicinales. L’introduction de la plante en Europe au XVIIe siècle sert surtout des fins ornementales. Il faut attendre la fin du siècle suivant pour que ses qualités thérapeutiques, notamment anxiolytiques et sédatives, soient reconnues et utilisées par des médecins européens.
Le nom de « fleur » ou « fruit de la passion » provient d’une association avec la Passion du Christ imaginée par les missionnaires européens dans un but d’évangélisation. La forme et disposition des pièces florales rappellent à leurs yeux l’épisode biblique. La métaphore reste employée par la suite, Aloysius Bertrand la mobilisant ainsi dans son recueil de poèmes Gaspard de la nuit (1842) : « Maître Huylten […] tira le rideau de la fenêtre, qui laissa voir au soleil une fleur de la passion avec sa couronne d’épine, son éponge, son fouet, ses clous et les cinq plaies de Notre-Seigneur. »