La collection botanique de Benjamin Delessert

1773-1847

Fils d’Étienne Delessert, banquier et industriel protestant de famille genevoise, Benjamin naît à Lyon en 1773. Il reçoit une éducation de choix, voyage jeune, fréquente les universités en pointe d’Edimbourg et de Birmingham. Autant dire qu’il évolue dès sa jeunesse dans un milieu cultivé, cosmopolite, qui allie goût de l’innovation, pragmatisme, sens des affaires et inclination philanthropique. Ses parents ne reçoivent-ils pas régulièrement leur ami et voisin à Passy, Benjamin Franklin ?

Après la mort de son frère aîné en 1794, il prend la direction des affaires familiales. Pionnier de l’industrie sucrière, très actif dans celle des filatures de coton, fondateur des caisses d’épargne, des soupes populaires, membre du Conseil des Hospices de Paris, député à diverses reprises, Benjamin Delessert connaît la prospérité. Il développe par ailleurs une passion pour la botanique, qui semble avoir été une affaire de famille. L’initiatrice d’abord, sa mère Madeleine Boy de la Tour, destinataire des Lettres sur la botanique de Jean-Jacques Rousseau, un cours à l’usage de la sœur de Benjamin auquel était joint un petit herbier constitué par le philosophe. Son frère aîné ensuite, Étienne, déjà en relation avec des botanistes de renom.

La collection botanique de Benjamin Delessert
Benjamin Delessert (1773-1847)© Wiki Commons

Le musée Delessert

Benjamin Delessert, à leur suite, rassemble au fil des années une vaste collection de spécimens séchés, constituant un herbier de référence d’une exceptionnelle richesse. En 1825, il s’installe dans le luxueux hôtel d’Uzès, en bordure de la chaussée d’Antin à Paris. C’est là, au premier étage, au-dessus de la banque familiale qu’il dirige désormais, qu’ouvre véritablement le musée Delessert, lieu d’étude et de sociabilité fréquenté, à l’égal du Muséum national d’Histoire naturelle, par les plus grands botanistes français et européens. On y trouve un extraordinaire ensemble de 250 000 échantillons de plantes sèches représentant 86 000 espèces sur les 95 000 connues à l’époque, couplé à une riche bibliothèque d’environ 8 000 volumes. Il se passionne également pour les coquillages dont il rassemble une belle collection.

La collection botanique de Benjamin Delessert
Pierre-Martial Cibot (1727-1780), Plantes et fleurs de la Chine, f° 47. Bibliothèque de l’Institut de France, collection Benjamin Delessert, Ms 986.Photo © RMN-Grand Palais / Adrien Didierjean

Sans être un savant, Benjamin Delessert fut un amateur suffisamment éclairé pour s’imposer dans le monde de la science des plantes comme un interlocuteur influent. Rachetant des collections, pratiquant l’échange, favorisant les souscriptions indispensables à la publication de livres d’autant plus coûteux qu’ils étaient illustrés, assumant la parution d’ouvrages tels les Icones selectae plantarum de son ami de toujours, le genevois Augustin-Pyramus de Candolle, apportant un soutien financier aux voyageurs en quête de spécimens, il se trouve au centre d’une communauté savante qu’il contribue à forger.

La postérité des collections

À sa mort en 1847, sa collection botanique revient à son frère François qui maintient son musée, alors le plus riche d’Europe. Les herbiers sont donnés plus tard à la ville de Genève où la famille Delessert est implantée, tandis que les livres et plusieurs herbiers reliés, dont celui de Laponie de Carl von Linné, sont déposés à la bibliothèque de l’Institut en 1869 par l’intermédiaire de l’Académie des sciences dont les deux frères étaient membres libres.

La collection botanique de Benjamin Delessert
Portrait de Benjamin Delessert.© Archives de l’Académie des sciences

Peut-être est-ce surtout son apport à la botanique qui vaut aujourd’hui à Benjamin Delessert sa notoriété. Pourtant, cet héritier des Lumières, homme d’affaires et philanthrope, a laissé une trace durable, quoique plus discrète, dans tous les domaines où s’est employée son énergie peu commune. C’est pourquoi France Mémoire, le service des anniversaires et commémorations historiques rattaché à l’Institut de France, a choisi d’inscrire la date de sa naissance au calendrier des commémorations nationales de l’année 2023.