Ranunculus glacialis L., la renoncule des glaciers
Ranunculus glacialis L., la renoncule des glaciers
Spécimen de renoncule des glaciers récolté par Carl Linné en Laponie en 1732
Plantæ Lapponicæ ab ipso Linneo collectæ, f° 117. Bibliothèque de l’Institut de France, collection Benjamin Delessert, ms. 973 Réserve.
Photo © RMN-Grand Palais / Adrien Didierjean & Tony Querrec.
Description botanique
Ranunculus glacialis L. est une petite plante vivace herbacée*, aux feuilles un peu charnues de la famille des Renonculacées. Ses fleurs sont roses au début de la floraison et virent au blanc quand elles sépanouissent. Elles portent cinq sépales* verts, cinq larges pétales, de nombreuses étamines* disposées en hélice et un pistil* central. Ses fruits sont des akènes*.
Si sa cousine, la renoncule âcre ou bouton d’or, se rencontre fréquemment dans les prairies de France métropolitaine, la renoncule des glaciers ne se croise que dans les hautes latitudes de l’hémisphère Nord ou en haute altitude, par exemple dans les Alpes ou dans les Pyrénées. Sa souche survit dans le sol durant les longs hivers puis, dès que la neige commence à fondre, la plante fleurit rapidement, ce qui lui permet de se reproduire alors même que la saison estivale est très courte. En revanche, ses graines germent difficilement dans des environnements trop chauds. Sa capacité à vivre dans des conditions extrêmes, à proximité des glaciers, lui a valu son nom vernaculaire*.
Ranunculus glacialis L. sur le site de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN)
*mot défini dans le lexique
De mystérieuses annotations
Les spécimens de cet herbier sont tous accompagnés de notes manuscrites en latin. Elles ont pour but d’identifier l’espèce présentée. Sont-elles de la main de Linné lui-même, d’un autre botaniste ou d’un bibliothécaire ? Difficile de trancher…
Ranunculus caule bifloro, calice hirsuto. Fl. lapp. p. 188 Tab. 3 fig. 1 indique que cette renoncule fait l’objet d’une gravure dans la Flora Lapponica éditée par Linné en 1737, planche 3, figure 1 (voir la galerie complémentaire). Ranunculus montanus purpureus, calice villoso, felicis plateri. JB 3 h p. 868 renvoie à l’ouvrage de Johannes Bauhin, Historiae plantarum universalis, édité en 1650-1651, qui décrit une espèce comparable dans son tome 3. Les lignes suivantes renvoient à d’autres ouvrages botaniques.
Linné et les plantes de haute montagne
Le jeune Linné venait de passer le cercle polaire lorsqu’il observa, le même jour, Diapensia lapponica L. et Ranunculus glacialis L. Il décrit dans son carnet de voyage le milieu naturel environnant :
« Le 6 juillet, je suis parti de Hyttan [aujourd’hui Kvikkjok, près de la frontière norvégienne] pour trouver, à un quart de mille de là, la montagne Vallavari accessible à son sommet par un chemin lui-même d’un quart de mille. Lorsque je suis arrivé à son pied, j’ai eu l’impression d’être transporté dans un monde nouveau, et lorsque j’ai atteint son sommet, je ne savais plus si j’étais en Asie ou en Afrique, car le terrain, la situation, les plantes, tout m’était inconnu. J’étais bien maintenant en montagne. Tout autour de moi des sommets neigeux, et je marchais dans la neige comme au plus fort de l’hiver. Toutes les plantes rares que j’avais vues et cueillies auparavant m’étaient offertes ici comme en miniature, et en telle quantité que j’ai eu peur, car j’étais convaincu que je ne pourrais pas venir à bout de leur examen. »
Il liste alors trente plantes en les décrivant brièvement, parmi lesquelles Diapensia lapponica L. et Ranunculus glacialis L. ainsi que d’autres : Alchemilla alpina, Sibbaldia procumbens, Azalea procumbens, Saxifraga stellaris, Dryas octopetala.
Carl von Linné, Carnets de voyage en Suède. Textes établis, traduits du suédois et annotés par Vincent Fournier, Paris, Michel de Maule, 2008, p. 45.